Des projets pour 2017

J’ai toujours cru qu’on est ce qu’on fait (you are what you do), pas juste ce dont on a l’air. C’est pourquoi j’ai tendance à m’éclipser de la vie publique pour créer. Dans l’ère du bruit, compétionner avec autant de machines à opinion et de miroirs autoréflexifs, ça me déprime.

Vous aurez donc remarqué que j’étais plutôt silencieux cet automne. Ironiquement, ce n’est pas tranquille pour autant: je travail comme un déchaîné sur plusieurs projets majeurs. Alors je vais arrêter de jouer aux Salinger et en parler un peu.

La publication de Lobby. Creuse ton trou

Tel qu’annoncé en grandes pompes, Lobby. Creuse ton trou sera publié aux éditions Québec Amérique. Et si ça se trouve, je n’ai pas encore réalisé! C’est les ligues majeures et ça va arracher. Alors entre deux crises d’hyperventilation, je travaille avec l’éditrice pour réviser le roman. Ce genre de processus dure des mois et c’est parfois difficile mais… le résultat est toujours meilleur, alors voilà. J’apprécie cette espèce de torture de révision. Pour moi, qui est motivé par les grands idéaux et le concept, hein, la subversion, c’est bien de retourner aux bases et parcourir les fleurs du tapis. Elles ont toujours été mon talon d’Achille littéraire. Si on repense à la première édition de l’Aube noire ou même à la sortie hâtive du Cirque Diabloque. Ces livres auraient mérité toute une équipe de révision, comme Lobby. C’est une sacré chance.

Sortie automne 2017 et avant ça, peut-être des projets de promo? Un autre court métrage avec KatЯ? En voilà, des questions.

Étude sur le mouvement écologiste avec Jacinthe Leblanc

En septembre, j’ai commencé un important projet de recherche avec mon amie et co-chercheure Jacinthe Leblanc sur le mouvement social environnemental au Québec. L’objectif est de faire une étude exploratoire des groupes membres du Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) afin d’en faire un portrait, tant au niveau structurel que politique. Il y a très peu de littérature sur le sujet et on peut compter sur les doigts d’une main les études sur le mouvement environnemental québécois depuis les années 1980. L’idée est de mieux connaître pour se renforcer, au lieu de se faire nommer par les médias et les jambons, se nommer nous-mêmes. C’est un projet ambitieux et je suis heureux de le faire avec Jacinthe, mais nous avons aussi un coup de mains d’autres anciens-nes du RQGE dont Danie Royer et Philippe Saint-Hilaire-Gravel. On va donc sonder les 70 groupes membres et publier les résultats à l’automne 2017.

Note personnelle: c’est une façon pour moi de clore un cycle qui a commencé en 2010 lors de mon arrivée comme coordonnateur au RQGE. Nous avions mis un an de travail sur une planification stratégique ambitieuse, 2012-2017 détaillant 44 actions différentes à entreprendre. Durant mon travail, j’ai réussi à mener et remplir pratiquement toutes ces actions à l’exception d’une: la production d’une étude sur notre mouvement. J’ai tenté par trois reprises, de façons différentes, de réaliser ce projet: stagiaires, demandes de subventions, collaborations universitaires et tout a échoué. Je complète donc, à titre bénévole, ce dernier morceau. Un certain pied de nez à la vie. Mais surtout, pour contribuer à la cause.

Un nouveau roman: projet Sourire pendant que le monde brûle

Entre deux vagues de révision de Lobby, je planche déjà un nouveau roman. Cela fait un an que j’y réfléchis, en fait, et j’ai tout juste commencé à travailler la structure du dit projet qui n’a pas encore de nom. « Sourire pendant que le monde brûle », peut-être. Ou « Voici comment on meurt (mais faudrait pas déranger) ». Ou « Les précieux flocons de neige ». Trop kitsch?

Essentiellement, c’est une comédie d’horreur.

Il y a une scène dans M9A sur laquelle je voulais extrapoler (ci-bas). Vers la fin, lorsque les signes de l’effondrement commencent à poindre et Saint-Onge remarque ces jeunes femmes qui magasinent et rigolent alors même que les avions sillonnent le ciel. Quelque chose dans cet instant de dissonance cognitive totale, de divorce avec la réalité. « Tout va bien, on est heureux et faut être positifs-ves tout le temps, peu importe le monde autour. C’est toi qui fait ton bonheur et si tu es malheureux, c’est ta faute. C’est juste une question d’attitude. »

Le concept d’hyperréalité tel qu’élaboré par Beaudrillard stipule que dans la post-modernité, donc après la chute du Mur de Berlin, l’omniprésence du système capitaliste et de ses médiations sociales, puis l’avancement de la technologie font en sorte qu’on perçoit des simulations comme étant réelles. Bref, on ne sait plus distinguer ce qui est authentique, comme la nature sauvage, de ce qui est synthétique, comme les images des réseaux sociaux. Dans cet état d’hyperréalité, une personne peut voir des signes tragiques des changements climatiques mais ne comprend pas son sens ni ne réagit avec alarme: elle est confortée encore plus fortement dans son statut de consommatrice et valorisée en tant qu’individu qui se conforme à la culture: la musique, le shopping, la gastronomie, la mode, la techno, etc. Ce même mode de vie qui détruit la biosphère. Et les écologistes ou militants-es sociaux, qui se sacrifient à tenter de sensibiliser la population et la mobiliser pour empêcher l’irréparable – ces gens sensibles et empathiques qui se font réprimer et traiter de tous les noms et se font répéter, non-stop, par « monsieur madame tout le monde », que c’est déprimant de parler de tout ça, que la grosse misère c’est pas sexy puis que c’est barbant à la fin de se faire dire qu’on pollue. Le rève qui rejette la réalité.

N’est-ce pas fascinant?

Alors, dans une tournure peut-être extrêmement cynique, j’ai eu envie de mettre en scène la vie de trois jeunes millenials hipsters – une psychothérapeute, un acteur et un designer de jeux vidéso -, et leurs tribulations quotidiennes alors même que la civilisation industrielle s’effondre autour d’eux et qu’ils semblent incapables, coup sur coup, de saisir la gravité de ce qui est en train d’arriver. Ce sera léger. Et drôle. Et irrémédiablement horrifiant. Mais surtout drôle.

Voici la scène en question:

Dehors, les jeunes gens courent les boutiques, sirotent des smoothies à l’avocat, du thé aux perles. Ils sourient gaiement, déambulent dans leur splendeur, se font des accolades. Ils rigolent, sacs à la main. D’autres font déjà la ligne devant les clubs, jupes courtes sur des cuisses bronzées – tout en belles intentions, bijoux et chevelures étincelantes.

Tout à coup, file un détachement d’hélicoptères dans le firmament orangé : phares allumés, canons chargés à bloc, tout droit vers l’ouest. Les engins déchirent le ciel d’une froideur militaire et disparaissent au-delà des gratte-ciels.

Les passants n’ont jamais remarqué.

Sur ma tablette holographique se succèdent les fils médiatiques de la Hope Sec : soulèvement dans les ghettos suite à l’Événement-K, émeutes enragées, attaques armées de cellules autonomes, pluies de Molotovs. Une insurrection vouée à l’échec. Des drapeaux noirs qui croulent devant les lignes de boucliers, mes soldats qui avancent par milliers dans la fumée et la suie, par-delà les caniveaux qui ruissellent de sang.

Dehors, une jeune dame avance d’un bon pas sur le trottoir. Talons hauts, pantalon serré, chandail ample retombant lâchement sur les épaules. Elle plaisante au téléphone, sourire béat au visage, vient d’entendre quelque chose d’hilarant. Les boucles de ses cheveux soyeux rebondissent. Elle se penche vers l’avant tellement elle rit, mais continue à marcher : elle a un but, quelque part où aller.

Je ne peux m’empêcher de porter attention lorsqu’elle s’arrête net.

Lancea aussi l’a remarquée, nous la dévisageons tous deux depuis la limousine.

C’est qu’une autre jeune femme vient de croiser sa route et se couvre la bouche en signe de surprise. Aussitôt, les deux amies accourent l’une vers l’autre, laissent tomber leurs sacs, se prennent dans les bras, sautillent de joie. Un coup du hasard. Elles sont si heureuses de se retrouver!

Quel merveilleux moment, quelle excellente soirée.